Un « bouc émissaire » par définition est un individu, un groupe, une organisation, choisi pour endosser une responsabilité ou expier une faute pour laquelle il est, totalement ou partiellement, innocent. Et c’est bien de cela dont il s’agit. Dorothée a toujours fait coûler beaucoup d’encre et parfois pour de mauvaises raisons.

Loin de moi l’envie d’écrire un article polémique mais puisque ce site ce veut le témoin d’une époque et notamment celle pendant laquelle Dorothée a fait figure de proue, il me semble bien venu de retracer quelques faits à la veille de la diffusion d’un documentaire dans lequel il fait mention de quelques clips de l’artiste.
Je précise que les documents présentés dans cet article sont uniquement ici à but illustratif.

Les clichés racistes dans la chanson « Attention danger » de Dorothée
« Si les représentations des femmes n’étaient franchement pas terribles (notamment au sein des aventures des Musclés), celles des personnes racisées aussi. Dans le clip « Attention danger », sorti en 1988, Dorothée est dans la jungle entourée d’hommes noirs habillés de pagnes et d’os dans les cheveux… Des stéréotypes profondément racistes qui ne passent pas aujourd’hui. Et c’est sans parler du clip de « La machine avalée »… Les Noir.e.s, des personnes « sauvage », vraiment ? Si dans les années 80, le temps des colonies était déjà loin derrière nous, les clichés racistes nous collaient encore à la peau. »
Par Nadia Vaillant (29/08/2021 sur Au féminin.com)

Quand Dorothée s’entourait de « sauvages »
« La Machine avalé » est une chanson interprétée par Dorothée et diffusée à partir de 1988. Dans le texte, écrit par Jean-François Porry (pseudonyme de Jean-Luc Azoulay, le fondateur d’AB Productions), la nature, les animaux et les hommes subissent les affres d’une machine qui engloutit tout sur son passage. Dans le clip, Dorothée se retrouve dans la jungle. Elle est accompagnée par trois acteurs noirs, qui interprètent les chœurs de la chanson (“Ouah, ouah, ouah, ouah”). Quand soudain, ils décident de la capturer et de la faire cuire dans une marmite au cours d’une scène qui reprend certains des clichés du temps de l’empire colonial français. »
par Nicolas Enault (01/09/2017 pour France TV Info)

Il me semble que le gag de la marmite des cannibales était un grand classique de l’époque et s’en prendre à Dorothée est un peu facile. En 1985, dans « Allan Quatermain et les mines du Roi Salomon » les héros se retrouvent également à mijoter. Accuserait-on Richard Chamberlain et Sharon Stone de véhiculer des clichés racistes?

En 1932, même Mickey a le droit à son bain bouillonnant.

Rokhaya Diallo, née en 1978 à Paris, journaliste et auteure, militante féministe et antiraciste se confie à Oumar Diawara. Alors qu’elle fait partie des premières fans de Dorothée et de ses émissions, elle se souvient de ces images caricaturales que l’on pouvait voir dans les clips de la chanteuse. ( Interview complète ICI)

A l’occasion d’une soirée spéciale sur France 2 le mardi 18 janvier 2022, le nom de l’animatrice préférée des quadras revient encore dans le débat. Le samedi précédent Ali Badou reçoit l’écrivain Alain Mabanckou et la réalisatrice Aurélia Perreau pour les documentaires « Noirs de France » et « Le village Bamboula » qui seront diffusés sur France 2.

Si il est vrai qu’aujourd’hui de telles images ne seraient plus admises à la télévision, il faut rappeller que les clips dont on parle ont déjà 34 ans. C’est une époque où tout ou presque était encore permis à la télévision. Stéphane Collaro présentait des femmes nues à l’antenne en prime-time ainsi qu’un noir ricannant pour annoncer les fausses pubs mettant elles-mêmes en scène un autre noir appellé « Monsieur Con » se promenant en slip de Tarzan.

Un an plus tôt, une autre animatrice de « Récré A2 », Marie Dauphin chantait « Y a des Papous » dans un clip où les éboueurs de Paris se transforment en indigènes. Bien sûr, la concernée se défend réfutant toutes formes de racisme dans son intention uniquement artistique.

Que dire des sketchs de Michel Leeb ? Le sketch de « L’Africain », créé au début des années 80, a largement contribué à son succès et a fait se tordre de rire des salles entières. Aujourd’hui, ça ne passe plus.


Les clichés raciaux étaient également très présents dans les publicités. En 1980, les biscuits Papous ne sont pas sans nous évoquer les bonbons « tête de nègre », le chocolat « Banania » ou encore d’autres célèbres gateaux au chocolat dénommés « Bamboula » et commercialisés en 1987 par la marque « Saint Michel » pensant ainsi crée un nouveau héros à destination des enfants.

Le garçonnet imaginé par Jean Denis remporta un vif succès si bien que St Michel déclina des mini bandes dessinées à l’effigie du personnage qui vivait des aventures à Bambouland entouré de sa famille et ses amis. La biscuiterie a aussi édité un magazine, « Le journal de Bamboula », avec des reportages, des BD et des jeux concours mais aussi de nombreux produits dérivés.

Jusqu’en 1994, le petit Bamboula ravit les petits mais quand St Michel sponsorise « le village Bamboula » s’en est trop. Pourtant autorisé par les pouvoirs publics, le parc d’attraction d’un nouveau genre situé dans un parc zoologique créé 2 ans plus tôt près de Nantes, propose aux visiteurs de voir 25 hommes, femmes et enfants venus tout droit de Côte-d’Ivoire en tenue traditionnelle au milieu de cases et d’animaux de la savane. Artisans et danseurs se produisaient devant les touristes tout au long de la journée.
L’exploitation du parc et de ses « habitants » ne résistera pas longtemps suite à de nombreuses plaintes pour pour non-respect du Code du travail et des droits de l’homme.

Si les enfants que nous étions ne pouvaient pas se rendre compte des méfaits de ces représentations caricaturales souvent utilisées au titre de l’humour, aujourd’hui on ne peut que reconnaître qu’elles sont parfois malaisantes. Le fait que ce type d’humour soit utilisé fréquemment n’enlève en rien son côté raciste, si racisme il y a. Est-ce que leurs auteurs pensaient à mal ? Sûrement pas; espérons pas… Car si certains se sentent choqués par ces caricatures, faut-il pour autant supprimer toutes formes de dérisions? Jusqu’où ira t’on ? Les albums de Tintin sont censurés, les titres de grands classiques rebaptisés (Les “Dix petits nègres” d’Agatha Christie s’appelle désormais “Ils étaient dix”), Disney range certains de ses dessins-animés dans des cases « pour adultes »… En 2015, nous étions tous « Charlie » soutenant le droit au blasphème et à la liberté d’expression. Quand est-il de la liberté à l’humour ?
Toujours est-il, faire porter le chapeau à Dorothée 35 ans plus tard, ca fait beaucoup non ? Qu’on veuille la brûler, dixit le magazine VSD, en 1993, pourquoi pas puisqu’elle était en activité et régnait sur la jeunesse française mais aujourd’hui, ne peut-on pas la laisser en dehors de ces polémiques ?
Aujourd’hui encore, il y a malheureusement bien d’autres cas à traiter, bien d’autres tords à redresser sans s’inquiéter d’un titre secondaire de l’année 88.
Attention « Oncle Ben » c’est à ton tour de passer à la casserole !!!

Rappelons que Dorothée a longtemps prôner la tolérance et le partage dans ses émissions, elle a mis en avant de nombreuses associations et à participer à plusieurs projets caritatifs comme les « Chanteurs sans frontières » contre la famine en Ethiopie, elle a soutenue le projet « Action Ecole » de Michel Berger, France Gall et Daniel Balavoine contre la faim en Afrique et participé au collectif d’Alice Dona en soutien aux femmes du Tiers-Monde avec « La chanson de la vie ».

Allez je ne resiste pas à une dernière pub dont je ne me souvenais pas mais qui est tellement symbolique du racisme ordinaire de cette époque prè-Black Lives Matter.

Source additionnelle:
Les copains d’abord

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