<<< SUITE DE Jacques Martin #01 Les débuts

Fin 1974, c’est l’éclatement de l’ORTF. Jacques Martin se produit à cette époque dans un spectacle à Bobino et il sait déjà qu’il va bientôt se retrouver à l’antenne sur la future TF1 dans une nouvelle émission qui va marquer les esprits.


A partir du 19 janvier 1975, tous les dimanches à 13h20, pendant 45 minutes et en direct du studio 101 de la Maison de la Radio, « Le petit rapporteur » se présente comme un journal satirique fictif dont l’animateur serait le rédacteur en chef et ses comparses son équipe de rédaction. Pour cette première émission, l’animateur est entouré des journalistes Pierre Bonte, Stéphane Collaro, Robert Lassus, du dessinateur Piem, de l’humoriste et écrivain Jean-Charles et du critique gastronomique Philippe Couderc. La journaliste Martine de Barsy apparaîtra également ponctuellement et l’on y verra même Pierre Douglas en juin 1975.

Hormis Collaro, ancien journaliste sportif, aucun des compères n’a fait de télévision auparavant et la paralysie due au trac se voit à l’image. Ce premier numéro n’est pas phénoménal mais le bouche-à-oreille va faire son oeuvre et les critiques vont s’enthousiasmer : parfois, l’audience atteindra des pics à 28 millions de téléspectateurs, chiffre considérable pour l’époque.

 
L’audace de l’émission irrite souvent la direction de TF1 ( le pouvoir en place y est souvent brocardé, le chef de l’Etat et en particulier ses ministres Michel Poniatowski et Jean-Pierre Fourcade deviennent leurs têtes de Turc favorites ) et l’animateur ponctue chaque fin d’émission d’un « à dimanche prochain, peut-être… ». Au fil des mois, le succès est tel que plus personne ne leur demande de baisser d’un ton. Jacques Martin et sa bande savent désormais qu’ils ne risquent plus grand chose et continuent donc de s’en donner à coeur joie !
Daniel Prévost intègre l’émission le 5 octobre 1975 et Pierre Desproges, alors journaliste à « L’aurore », arrive quant à lui le 26. Il est certain que la présence de ces deux nouveaux membres et leur impertinence ne vont faire qu’accroitre la popularité du programme. Citons bien évidemment la bataille de boudin blanc provoquée dans une charcuterie par ces deux gais lurons, l’interview surréaliste de Françoise Sagan par Desproges en novembre 1975 et le reportage de Prévost dans le village de Montcuq en janvier 1976, de savoureux moments qui resteront dans les
annales de la télévision.

 

 
Les deux célèbres hymnes de l’émission que sont « A la pêche aux moules » et « Mam’zelle Angèle » vont aussi contribuer à la rendre culte auprès des Français et marquer l’histoire télévisuelle de ces années-là.

 
En coulisses, l’ambiance commence à devenir pénible car l’exigence de Jacques Martin irrite certains de ses collaborateurs, à commencer par Pierre Desproges qui se voit refuser plusieurs de ses reportages et dont les interventions sont de plus en plus coupées au montage. C’en est trop, il claque la porte. Il fait sa dernière apparition dans l’émission du 2 mai 1976. Daniel Prévost, à son tour, lui emboîtera le pas.
 
Au bout de 64 numéros, les journalistes sont exsangues et Jacques Martin émet le souhait de faire une pause de six mois qui lui permettrait d’écrire un film. Il signe un contrat avec le célèbre producteur Carlo Ponti puis abandonne finalement l’idée de faire du cinéma.
« Le petit rapporteur » ultime est diffusé le 27 juin 1976 : pour cette dernière, toute l’équipe va chanter un petit texte écrit pour l’occasion sur l’air de la chanson de Brel « Le moribond » sous les fenêtres des ministères qu’elle a tant chahutés et même sous celles du palais de l’Elysée.
Peut-être le chef d’Etat a-t-il entendu un « adieu Valy, on t’aimait tant » comme dernier pied de nez à leur victime préférée, qui sait ? La seule chose qui est certaine est que l’émission ne sera pas reconduite à la rentrée et l’animateur quitte TF1 au début de l’été 1976.
Son retour dans la petite lucarne ne se fera pas attendre très longtemps puisque le président d’Antenne 2 Marcel Jullian et son plus proche conseiller Jacques Chancel lui proposent de se voir confier la responsabilité des programmes dominicaux de la chaîne. Le montant de son transfert n’est pas dévoilé mais la presse de l’époque évoque un contrat très juteux de 100 millions d’anciens francs par an, du jamais vu pour un animateur du petit écran…

 
Bien sûr les programmes déjà bien installés tels que « Stade 2 » ou les JT de 13 et 20h sont maintenus dans la grille mais l’essentiel de « Bon dimanche » est produit et le plus souvent présenté par Jacques Martin en personne. Il va ainsi monopoliser l’antenne de 12h à 21h30, chose totalement inédite sur une chaîne de télévision !
 
Le programme est diffusé en différé depuis le fameux théâtre de l’Empire auquel Jacques Martin restera fidèle jusqu’à la fin de sa carrière et sous la direction de l’orchestre de Pierre Porte. Il démarre le 30 janvier 1977 et se compose comme suit : dès 12h, début et présentation de « Bon dimanche » par Jacques Martin ainsi que du jeu musical « Pom, pom, pom » (présenté quatre fois durant l’émission, l’orchestre égrène des airs que les téléspectateurs doivent reconnaître afin de reconstituer une phrase). Viennent ensuite l’émission « Toujours sourire » de Michel Lancelot sur les humoristes d’hier et d’aujourd’hui et le JT de la mi-journée.
 
A 13h20, l’animateur souhaite renouveler l’exploit du « Petit rapporteur » avec « La lorgnette » : Bonte, Collaro et Piem sont toujours là et quelques nouveaux camarades complètent l’équipe selon les émissions (Alain Scoff, Gérard Pabiot, Daniel Cazal, etc…).
Vers 14h20, c’est au tour du trio PIerre Tchernia, Jacques Rouland et José Artur d’animer « Ces messieurs nous disent » qui mélange les actualités du cinéma, de la chanson et du théâtre et un jeu opposant deux villes, chacune représentée par trois candidats (il s’agit en fait d’une nouvelle formule de « Monsieur Cinéma », émission existant déjà depuis 1967).
La diffusion d’un épisode de « Tom et Jerry » pour nos jeunes amis puis celle d’un feuilleton américain « Pilotes », qui cédera rapidement sa place à la série « Les têtes brûlées » dès la fin mars, suivie en septembre par « Sur la piste des cheyennes » avec Kurt Russell.
Vers 16h40, le module « Trois petits tours », une série de jeux amusants préparés par François Diwo comme « Portrait de famille » ou « Le jeu de Kim ».
Puis c’est au tour de la mythique « Ecole des fans » présentée par l’animateur (alias Tonton Jacques) et son acolyte Stéphane Collaro (alias Tonton Mayonnaise) : des enfants de moins de dix ans venus chacun interpréter une chanson de l’artiste invité (c’est Sheila qui inaugurera l’émission). Ce programme va très vite devenir immensément populaire, surtout grâce à la spontanéité des gamins face aux questions volontairement naïves de l’animateur et aux réactions ébahies de leurs parents présents dans la salle.


 
A 17h20, « Contre-ut », module présenté par Pierre Petit et consacrée à l’art lyrique et promouvant opéra, opérette et opéra-comique dont Jacques Martin est très friand.
Dès le 20 novembre 1977 dans « Bon dimanche », 18h25 sonne l’heure de la série du « Muppet Show » de Jim Henson avec les célèbres marionnettes Kermit la grenouille et Piggy la cochonne (doublées respectivement par Roger Carel et Micheline Dax). Sa diffusion va devenir un rendez-vous incontournable chaque dimanche après-midi et rencontrer un succès fracassant auprès du public.
Robert Chapatte et toute son équipe du service des sports de la chaîne prennent le relais à 19h pour « Stade 2 » puis Patrick Poivre d’Arvor présente le journal de 20h.
Enfin, pour clôturer la journée, on retrouve à 20h30 Jacques Martin et Stéphane Collaro pour « Musique and music », produite par Marie-France Brière, qui va s’avérer très éclectique puisque la variété à la fois française et internationale y est représentée dans un mélange de musique, d’intermèdes comiques et de défis lancés aux artistes.

 
1977 est aussi l’année où, avec son acolyte Jean Yanne, ils deviennent tous deux des pensionnaires réguliers des « Grosses têtes », l’émission collégiale créée par Philippe Bouvard sur RTL le 1er avril de cette année-là. Leur impertinence est évidemment au rendez-vous et contribue au succès de cette émission culte.
Dès le dimanche 8 janvier 1978, Jacques Martin a décidé de renouveler la formule avec la suppression de certains modules tels que « Toujours sourire » et « Contre-ut ». L’animateur et Marie-France Brière confient la présentation de l’émission « Blue-Jean 1978 » à Jean-Loup Lafont, l’animateur vedette d’ Europe 1. Ce programme se veut plus branché et vise un public de teenagers. Pour la première, on y croise Chamfort, Souchon, Gall, le rock est également au rendez-vous avec les groupes Téléphone et Bijou et la séquence « Coup de pouce » permet au jeune Plastic Bertrand de se présenter et d’entonner son fameux « Ça plane pour moi ». Pour la petite histoire, l’indicatif de l’émission deviendra même une chanson des Martin Circus, « J’en perds mes baskets ».

 
Juste après le journal, on retrouve Jacques Martin et l’ancienne productrice de « Dim, dam, dom » Daisy de Galard dans « Grand album », construit autour des archives d’actualités de la cinémathèque Gaumont depuis le début du siècle et présentant des séquences reliées à l’actualité récente.
Le jeu musical « Pom, pom, pom » et le dessin animé « Tom & Jerry » sont maintenus.
Cette nouvelle formule amène une autre série américaine inédite en France : « Drôles de dames ». Ce trio sublime de femmes détectives pleines de charme, Farrah Fawcett en tête, va littéralement faire un tabac chez nous et devenir un rendez-vous très attendu des téléspectateurs du dimanche après-midi d’Antenne 2. Pari gagné pour maître Jacques !
En perte de vitesse et un peu poussive, « La lorgnette » n’a plus le mordant qui caractérisait « Le petit rapporteur » et est décalée à 15h50. Deux nouveaux chroniqueurs (Alexandre Lichan et Laurent Cabrol) rejoignent Martin, Collaro, Bonte et Scoff mais il faut bien admettre que les « anciens », Desproges et Prévost, manquent cruellement à l’émission qui s’oriente à présent davantage vers la province et les variétés régionales.
L’impayable « Muppet show » est toujours de la partie et sa popularité ne cesse de croître auprès des téléspectateurs.
Quant à « Ces messieurs nous disent », elle est scindée en deux : tout d’abord Pierre Tchernia et Jacques Rouland présentent « Monsieur Cinéma », l’émission reprenant donc son titre initial et ensuite José Artur qui présente seul « Le petit théâtre du dimanche » sur l’écho des planches.
Enfin, après le journal de 20h, toujours « Musique and music », le rendez-vous musical de la soirée conçu autour d’un invité d’honneur. Pour la dernière du 2 juillet 1978, les deux animateurs consacrent l’émission aux chansons sur Paris avec, parmi les invités, Juliette Gréco, Francis Lemarque, Charles Aznavour ou encore Mireille Mathieu.

 
La dernière de « Bon dimanche » a, quant à elle, eu lieu une semaine plus tôt, le 25 juin après un an et demi d’existence.
L’animateur va ainsi reprendre ses autres activités telles que la radio (une émission-jeu quotidienne sur Europe 1 en 1978-1979 « La vie en or » aux côtés de Françoise Rivière de 11h à 12h), la chanson (l’enregistrement à l’automne 1978 avec le chef d’orchestre Pierre Porte d’un album « Jacques Martin chante… » , composé de reprises et de titres originaux) et le music-hall (il participe, dans le rôle de Ménélas roi de Sparte, à l’opéra bouffe « La belle Hélène » d’Offenbach).
 
 
Quelques apparitions dans d’autres émissions :
En décembre 1978, il est invité dans l’émission « Sur la sellette » de Philippe Bouvard où il évoque son départ de la télé et son 33t et participe également au « Numéro Un » de Mireille Mathieu.
En janvier 1979, il fait partie des invités des « Rendez-vous du dimanche » de Michel Drucker.
En février, Maritie et Gilbert Carpentier lui consacrent un de leurs « Numéro Un » intitulé « Ce soir au cirque Carpentier : le grand retour de Jacques Martin » où il est entouré, entre autres, de Diane Dufresne et Mireille Mathieu.
En promotion pour « Une case de vide », le spectacle qu’il a écrit et qu’il joue seul en scène au théâtre de La Michodière (il sera diffusé en prime-time en janvier 1980 sur Antenne 2), on le retrouve en mars 1979 respectivement chez Philippe Bouvard dans « Sur la sellette » et dans « Le grand échiquier » de Jacques Chancel puis, en avril, José Artur le reçoit dans son émission « Pleins feux ». Enfin, en mai, c’est au tour de Nicole André et Jacques Garat de l’inviter dans l’édition hebdomadaire « Les mercredis d’Aujourd’hui Madame ».
En septembre 1979, il repart pour une saison toujours sur Europe 1 avec un magazine culturel quotidien « Show time » l’après-midi entre 15 et 17h.
Le 24 novembre, il fait un passage au « Collaro show », la nouvelle émission hebdomadaire du samedi soir de son ami Stéphane Collaro qui a démarré un mois plus tôt sur Antenne 2 (il y sera reçu à nouveau le 22 décembre).

 
Enfin, le 23 décembre, Jacques Martin retrouve enfin l’antenne, tous les dimanches à 18h10 et pendant une trentaine de minutes, à la tête d’une nouvelle émission réalisée par Dirk Sanders qui s’intitule « Dessine-moi un mouton ». Dans une pièce où micros et caméras sont cachés, quatre enfants âgés de 6 à 8 ans jouent, chantent, s’expriment en donnant libre cours à leur imagination et improvisent sur des thèmes suggérés par l’animateur, à la fois meneur de jeu et commentateur.
L’émission prend fin en juin 1980.
 
 
Article écrit par Lorenzo Ham. Merci à lui.
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1 commentaire

MAZET · lundi 9 janvier 2023 à 21:42

Je tiens à remercier l’auteur de cet article qui m’a permis d’enrichir les connaissances sur cet animateur pour lequel je collectionne de vieilles émissions.
Pourrions-nous échanger ensemble ?

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